Stratégie Google World : la convergence de trois modèles algorithmique, libéral et transhumaniste ?
Le groupe Google est porteur d’un discours transhumaniste, il diversifie ses activités sans cesse, investit dans de multiples entreprises, sur de multiples technologies et des territoires fondamentalement différents, il dispose d’importantes ressources financières et investit dans de multiples secteurs de recherche à long terme, qu’elle est donc la stratégie du groupe alors qu’il reste relativement discret sur la question ? La thèse développée ici part de la proposition qu’avec l’évolution des technologies et les avancées scientifiques actuelles, Google à trouvé un modelé de développement nouveau (mais à visée hégémonique) basé sur la modélisation globale dans lequel se rejoignent et se servent un modèle de communication numérique, un modèle économique, et un modèle de projet de développement inspiré de la culture transhumaniste.
Concernant le modèle de communication numérique, la stratégie de Google vise d’abord à « indexer » le monde et créer un second monde virtuel pour mieux contrôler le monde réel, autrement dit, à repérer tous les sites et objets du monde, ainsi que chaque individu au plus près de sa personnalité, ses déplacements, ses activités et ses interconnexions sociales.
L’objectif est de rendre le monde réel « communiquant », « interactif » et de le repérer en temps réel. Ainsi Google a commencé par développer des applications cartographiques et de géolocalisation de représentation de la planète avec Google Map, enrichi avec des fonctions de visualisation tels que Google Street ou Google Earth, de données associées, de fonctions GPS de repérage, et vise aussi à modéliser en 3D toutes ces cartes. Des applications associées à des technologies de tracking permettent d’identifier des paysages et objets (et même potentiellement des visages avec une photo de référence disponible), citons l’exemple de Google Goggles une application permettant avec de la reconnaissance photo d’identifier un paysage, une couverture de livre, un logo, un objet high tech, ou encore, une étiquette de bouteille. Désormais le support de l’information n’est plus uniquement le fond d’écran mais l’ensemble du monde devenu interactif. Google peut ainsi l’indexer, le repérer et y associer ses offres. De ce point de vue, les technologies de réalité augmentée sont symptomatiques de cette tendance leur principe étant d’associer des informations virtuelles au monde réel.
Cette stratégie suppose aussi de développer de nouveaux supports de communication et technologies pour permettre aux utilisateurs de suivre ces informations et de tracer leurs déplacements dans le monde réel en toutes circonstances et tout lieu. Google développe des nouveaux supports numériques mobiles, le Smartphone bien sur, mais aussi des technologies innovantes tels que les Googles Glass et autres objets connectés. Le groupe investit dans différents secteurs qui correspondent aux différents lieux de vie quotidienne des citoyens, la domotique, la culture, le travail, ou encore, les moyens de transports avec la Google car. L’enjeu est aussi d’améliorer les technologies de captation de données pour capter des données toujours plus sensibles et analyser leurs interconnexions. La Google glass permet ainsi de capter le champ de vision, les vêtements connectés jusqu’aux données physiologiques, demain peut être les puces sous-cutanées et autres supports de communication par la « pensée » permettront-il aussi de capturer l’activité électrique et chimique de nos corps.
Pour que ce modèle virtuel du monde puisse optimiser le contrôle des populations dans le monde réel, il faut aussi pouvoir y représenter le clone virtuel de chaque individu au plus près de son profil réel. Google développe des travaux dans le champ des neurosciences et la modélisation du cerveau humain, avec pour objectif à terme d’adapter le modèle à chaque individu, pour le contrôler et anticiper ses besoins. L’ensemble du dispositif étant bien sûr géré par le puissant réseau Google (qui investit aussi dans les réseaux et l’intelligence artificielle), et les modèles algorithmiques Google. Dans ce schéma, la modélisation informatique contrôlerait donc au final notre monde réel.
La position hégémonique et omnisciente de Google avec cette ensemble de technologies et ce monde modélisé, lui permettrait ensuite de valoriser un modèle économique ultralibéral et mondial « idéal », dans le sens où, il contrôle tout et en temps réel ; l’environnement, les concurrents, le marché, et bien sûr, les consommateurs dans le marché, Le rêve de tout entrepreneur est d’éliminer tout imprévu, dans ce modèle idéal le marche ne suivrait plus que alors que le « business model ». Le développement économique serait dans ce cas modélisé à son tour, mais poussé à cet extrême bien entendu il aboutirait à la destruction du marché avec cette position hégémonique et non concurrentielle, sans doute aussi au final au rejet du consommateur au minimum. Pour éviter d’apparaître dans une position hégémonie et répondre aux contraintes politiques, aujourd’hui Google prend des parts dans différentes entreprises innovantes et diversifie ses activités sur le plan juridique avec le label Alphabet.
Ces deux précédents modèles rejoigne la vision transhumaniste d’un monde où l’homme prendrait en charge son évolution et reconstruirait son environnement. L’homme est vu comme la version beta d’un logiciel améliorable de version en version dans un monde dont l’évolution est contrôlée par les technologies. Bien sûr le transhumanisme suit de multiples courants (jusqu’au post humanisme), interprétations et il peut recouvrir des visions du développement de nos modelés sociétaux différents selon la place accordé à l’humain, au hasard, et l’encadrement juridique envisagé. La position de Google est positionnée sur une vision de l’évolution de l’humanité contrôlée par les technologies avec des projets dans les champs de l’intelligence artificielle, de séquençage ADN et de la quête de « l’immortalité », ou encore, son partenariat avec l’université de la singularité, dirigée par Ray Kurzweil, grande figure du transhumanisme, par ailleurs embauché par Google comme ingénieur en chef pour faire du moteur de recherche la première intelligence artificielle de l’histoire. Il prédit d’ailleurs que l’esprit humain sera dépassé par l’intelligence artificielle, censée croître exponentiellement dès les années 2045. Cette culture porte donc une vision modélisée de l’évolution sous le contrôle de l’informatique et des technologies.
Dans cette hypothèse, nous aurions donc la modélisation d’un monde virtuel qui contrôle le monde réel, contrôle le modèle économique moteur du développement, et au final qui contrôle l’évolution du monde réel (avec aussi la promotion d’un discours post humaniste qui, pour solliciter l’adhésion du public, promet un monde meilleur, de meilleures performances, physiques, intellectuels, sensorielles, existentielles). Bien entendu la projection de ce scénario tel quel aboutirait à la destruction du modèle économique, dans le meilleur cas au rejet des populations. Les technologies n’existent en réalité que par les usages qui les font exister et la réappropriation du public. Cette hypothèse est plutôt à voir en filigrane dans la stratégie du groupe Google qui doit répondre aussi à un environnement d’usagers, une concurrence et des contraintes politiques. Elle sollicite surtout de multiples questions éthiques sur le rôle de ces grands groupes sur les politiques de développement de nos sociétés, la place du hasard dans l’évolution de notre environnement, le rôle de l’homme dans le contrôle de son évolution et environnement, la protection de l’humanité biologique avec ses fragilités face aux machines, l’équité et la durabilité du modèle économique, ou encore, les espaces de liberté, de critique et le droit aux différences.